« T’es pas folle, t’as un TDPM »
« Je n’en peux plus, je crois que je vais mourir tellement je suis mal. Je pleure quasi non-stop. »
« Psychologiquement, c’est la catastrophe. Dépression, anxiété, pleurs, épuisement font partie, 15 jours avant mes règles, de mon quotidien. »
« Je vois tout en noir et j’ai envie de mourir. »
Ces témoignages sont ceux de femmes qui souffrent de TDPM, le trouble dysphorique prémenstruel. Une instagrammeuse explique en quelques mots : « C’est comme un syndrome prémenstruel, en mille fois pire. »
Le TDPM, un trouble de santé mentale encore trop méconnu
Reconnu en 2013 dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM, version V), le TDPM est encore si mal connu que l’errance médicale peut durer des années, parfois plus de 20 ans. La Classification internationale des maladies (CIM) le mentionne depuis 2019, contribuant à le faire connaître, mais la communauté médicale reste si peu informée que le site web de l’association TDPM France propose un guide intitulé « Trouver un·e spécialiste qui connaisse le TDPM ». Pour environ 5 % des femmes, la période qui précède les règles est marquée par une dépression intense, parfois suicidaire. Le TDPM se distingue du syndrome prémenstruel (SPM) par la gravité de ses symptômes psychologiques.
- Les sautes d’humeur sont plus importantes et accompagnées d’une tristesse ou d’une dépression sévère.
- Irritabilité ou colère importante.
- Augmentation significative de l’anxiété ou de la tension.
- Changements physiques :
- Changement de rythme du sommeil (augmentation ou diminution)
- Appétit : suralimentation ou fringales
- Baisse d’énergie
- Sensibilité ou gonflement des seins
- Douleurs articulaires ou musculaires
Ces symptômes surviennent de manière répétée durant la phase prémenstruelle du cycle et disparaissent rapidement au début des règles. Ils ont aussi un retentissement négatif sur le travail ou le fonctionnement social.
Critères de diagnostic du TDPM selon le DSM-V
- Au cours de la majorité des cycles menstruels, au moins cinq des symptômes suivants doivent être présents dans la semaine qui précède les règles, commercer à s’améliorer dans les premiers jours qui suivent le début des règles et devenir minimaux ou absents dans la semaine après les règles.
- Au moins un des symptômes suivants doit être présent :
- Labilité émotionnelle marquée (p. ex. mouvements d’humeur, brusque sentiment de tristesse, envie de pleurer, hypersensibilité au rejet).
- Irritabilité marquée ou colère ou augmentation des conflits interpersonnels ?
- Humeur dépressive marquée, sentiments de désespoir ou autodépréciation (idées de dévalorisation).
- Anxiété marquée, tension et/ou sentiments d’être noué, nerveux.
- Au moins un des symptômes suivants doit être présent, pour atteindre un total d’au moins cinq symptômes quand les symptômes des critères B et C sont additionnés.
- Diminution de l’intérêt pour les activités habituelles (p. ex. travail, école, amis, loisirs).
- Difficulté subjective à se concentrer.Léthargie, fatigabilité excessive ou perte d’énergie marquée.
- Modifications marquées de l’appétit, hyperphagie, envie impérieuse de certains aliments.Hypersomnie ou insomnie.
- Sentiment d’être débordé ou de perdre le contrôle.
- Symptômes physiques comme tension ou gonflement des seins, douleurs articulaires ou musculaires, impression d’« enfler », prise de poids.
N.B. : Les symptômes des critères A-C doivent avoir été réunis pendant la plupart des cycles menstruels au cours de l’année écoulée.
- Les symptômes entraînent une détresse cliniquement significative ou interfèrent avec le travail, l’école, les activités sociales habituelles ou les relations avec les autres (p. ex. évitement des activités sociales, diminution de la productivité ou de l’efficacité au travail, à l’école ou à la maison).
- La perturbation ne correspond pas seulement à l’exacerbation des symptômes d’un autre trouble comme un trouble dépressif caractérisé, un trouble panique, un trouble dépressif persistant ou un trouble de la personnalité (bien qu’elle puisse se surajouter à chacun de ces troubles).
- Le critère A doit être confirmé par une évaluation prospective quotidienne pendant au moins deux cycles symptomatiques.
- Les symptômes ne sont pas dus aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. une substance donnant lieu à un abus, un médicament ou un autre traitement) ou à une autre affection médicale (p. ex. hyperthyroïdie).
Il semble que le stress et le fait d’avoir subi des traumatismes tels que négligence ou abus augmentent le risque de souffrir de TDPM.
Selon le site eSanté Mentale Canada, le TDPM est plus probable à l’approche de la ménopause.
Témoignages de femmes souffrant de TDPM
« C’est très difficile de trouver un professionnel à qui on peut parler de ce problème si difficile à vivre. Nous sommes en 2024 et j’ai le sentiment que certains médecins tombent des nues ou me regardent comme si ce n’était rien ou que j’exagérais quand je décris mes symptômes. »
Chrystelle
« En parler et informer les femmes qui se sentent si seules dans ce diagnostic »
Marie
« Très difficile d’expliquer et de légitimer ce trouble auprès de l’entourage. Sentiment d’incompréhension. »
Élise
Les femmes qui ont accepté de témoigner pour Ménoscope sont unanimes : il est crucial de parler de ce trouble, pour que les professionnels de santé soient plus à même de l’identifier et de le traiter, et pour que les personnes qui en souffrent se sentent – enfin – comprises et aidées. Vingt ans d’errance médicale pour l’une d’entre elles, 10 ans pour une autre…
Aux portes de la folie
« J’ai l’impression par moments de devenir folle (…) Les engueulades sont intenses, j’ai l’impression de devenir folle »
Marie
« En périménopause (…) l’impression de devenir folle »
Carole
L’impression de devenir folle, c’est quand on ressent quelque chose et que notre entourage le minimise, l’ignore ou le nie. C’est insupportable, on perd le lien de communication, on se demande si on souffre vraiment, et pourtant la souffrance est bel et bien là.
Le TDPM, à ne pas confondre avec un trouble bipolaire ou borderline
L’une des raisons de cette méconnaissance est l’apparente similitude entre le TDPM et le trouble bipolaire. Les crises dépressives succèdent à des périodes d’humeur normale ou euphorique.
Le NCMH (centre national britannique de la santé mentale) étudie les différences entre ces deux affections, car le traitement n’est pas le même. Si les antidépresseurs sont l’un des traitements les plus efficaces dans le TDPM, ils sont contre-indiqués dans le trouble bipolaire.
Symptômes communs au TDPM et au trouble bipolaire :
- Irritabilité
- Sautes d’humeur
- Humeur dépressive
- Anxiété
Le TDPM peut aussi être confondu avec un trouble de la personnalité limite (borderline), et là encore, le NCMH met en garde car les traitements sont différents.
Comment distinguer TDPM, trouble bipolaire et trouble borderline ?
Le moment où les symptômes se manifestent
Trouble bipolaire : périodes distinctes
TDPM : dans la majorité des cycles, pendant la semaine qui précède les règles, s’améliorent dans les premiers jours des règles, puis s’atténuent ou disparaissent complètement dans la semaine qui suit les règles.
Trouble borderline : apparaissent au début de l’âge adulte et se manifestent dans diverses situations.
Caractériser les symptômes du TDPM
Le caractère cyclique des symptômes est typique.
« Mon entourage qui ne comprenait plus du tout pourquoi parfois j’étais en pleine forme et à d’autres moment très mal, incendiaire et désagréable ou en pleurs pour rien »
« Comme un trop plein qui explose, puis retombe d’un coup. Et chaque fois je me dis ‘mais dans quel état j’étais il y a 4 jours ?!’ »
« Des disputes qui reviennent de manière cyclique avec mon mari. »
« J’avais une violence au fond de moi que je ne connaissais pas. (…) Puis ça passait mais les crises étaient tellement fortes que j’étais épuisée, vidée et anxieuse de la prochaine »
Il est recommandé d’enregistrer et de suivre les symptômes sur plusieurs cycles consécutifs pour faciliter le diagnostic de TDPM. Plusieurs applications mobiles existent, certaines vraiment spécifiques au TDPM et d’autres, plus générales, axées sur le cycle menstruel avant ou pendant la périménopause.
Par exemple, l’appli Me v PMDD (malheureusement uniquement disponible en anglais) permet de suivre une quarantaine de symptômes mentaux, émotionnels, physiques et autres au quotidien, avec une précision appréciable.

Quelles solutions au TDPM ?
Et puis, une fois que le diagnostic est posé – ce qui, en soi, apporte une forme de soulagement – on peut commencer à mettre en place des stratégies pour vivre mieux.
Le blog Hormones et Cie dresse une liste des traitements médicaux (pilule contraceptive, antidépresseurs, inhibiteurs de l’activité ovarienne, ovariectomie) et signale une étude en cours sur une nouvelle classe de médicaments, dont les résultats sont prometteurs. À suivre, donc !
En dehors des médicaments, les changements de l’hygiène de vie, l’activité physique, la psychothérapie ont également une efficacité certaine.
Enfin, il y a le système D du quotidien, propre à chaque femme, à chaque couple, à chaque famille :
« Aujourd’hui je sais que je peux maîtriser. C’est-à-dire ne pas avoir de discussion à ces jours-là, ne pas répondre à des mails, respirer avant de décrocher le téléphone et prendre sur moi en me disant que d’ici quelques jours, ça ira mieux. (…) Le sport : grande aide, mais quand on a le moral à zéro, c’est dur de sortir les baskets. Pourtant, effet positif à coup sûr ! »
Marie
Ménoscope remercie chaleureusement les femmes qui ont accepté de témoigner pour cet article. Nous apportons notre pierre à l’édifice de la connaissance du TDPM pour que l’errance médicale n’enferme plus les patientes dans cette souffrance.
Retrouvez ici tous les témoignages recueillis par Ménoscope.
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