Périménopause et couple
Quand la périménopause s’incruste dans le couple, elle peut causer des dégâts. Sautes d’humeur, irritabilité, crises d’angoisse, troubles du sommeil, hyperémotivité… autant de manifestations psychologiques inattendues qui peuvent mettre à mal la relation de couple.
Ce qui te touche me touche, ce qui t’atteint m’atteint, ce qui te concerne… cela vaut pour les chagrins, les tensions au travail, les engueulades familiales, les problèmes de santé. Si la périménopause n’est pas à proprement parler un problème, elle en engendre souvent une kyrielle. Qui affectent nécessairement les deux membres du couple. Mais pour en parler ensemble, encore faut-il comprendre qu’il y a quelque chose à partager.
La psychologue Espérance De Moura partage son expérience de thérapeute, mais aussi personnelle, avec Ménoscope, dans un échange à bâtons rompus.
Je suis ancienne infirmière et aide-soignante, cela m’aide beaucoup à être dans le rationnel, le scientifique. J’ai un D.E.S.S. de psychologie clinique et j’exerce aussi comme psychothérapeute de thérapie corporelle et émotionnelle.
Du côté plus chamanique et spirituel, je suis aussi femme-médecine. C’est-à-dire que je suis une professionnelle qui a une spiritualité, connectée à la nature. Lorsqu’on parle de connexion avec la nature, on va dans ce qu’on appelle le chamanisme, qui est un terme assez vaste. Je m’oriente à présent vers la connaissance des plantes médicinales.
Et puis je suis une maman, une grand-mère qui a acquis une certaine sagesse. Je suis une femme, bientôt une épouse… je suis un être vivant !
La ménopause, pas seulement une affaire de femmes ?
Oui, tout à fait, c’est une affaire de couple. Il faut aussi l’envisager à travers les enfants, par le biais de la transmission. La ménopause, c’est l’affaire de toute une famille.
Est-ce que vous constatez, chez les couples qui viennent vous voir, des problèmes d’incompréhension liés à cette période de transition ménopausique ?
Oui, absolument. Toute la dimension psychologique, sautes d’humeur, irritabilité, déprime voire dépression… tout cela retentit sur le couple.
Dans un couple, il y a deux individualités qui ne traversent pas forcément la même chose au même moment, ou de la même façon, et l’incompréhension peut devenir un gouffre.
Certains hommes pensent eux aussi que ça y est, c’est terminé, la sexualité, on n’en parle plus. Alors que certaines femmes, au moment de la ménopause, ont une libido très forte. Cela engendre beaucoup de frustration.
« Les peurs de chacun et de chacune contribuent aux difficultés et aux souffrances de la ménopause »
On pourrait même se poser la question : est-ce que tout cela est provoqué par l’étape ménopause, ou est-ce que ce n’est pas tout simplement la mésinformation, une mauvaise information concernant cette étape de vie ?
Je pense qu’à notre époque, où la communication s’est élargie de façon extrême, on entend et on lit tout et n’importe quoi. Cela crée des peurs, et à mon sens, ce sont les peurs de chacun et de chacune qui contribuent à ce que cette ménopause se passe dans des difficultés, des souffrances qui ne devraient pas avoir une telle intensité.
Il faut parler de la ménopause
Comme la grossesse, on en a fait une pathologie alors que c’est une étape. Une transition de vie, qui transforme le corps, la femme… C’est une transformation que nous avons à traverser.
Je trouve qu’aujourd’hui on a tendance à pathologiser cette étape. Au lieu de parler de santé, on parle de maladie. Et maladie, dans la langue des oiseaux, c’est le mal à dire. Il est donc très intéressant, justement, d’en dire quelque chose, pour que ce mal à dire devienne autre chose qu’une maladie.
Une maladie, ça peut avoir quelque chose de rassurant, puisqu’on peut la soigner ou même la guérir.
En effet, et de nombreuses personnes vont être rassurées que cela soit considéré comme une maladie. C’est un peu pervers. À mon sens, la ménopause n’est pas quelque chose à « guérir ».
Ce qui peut rassurer aussi, c’est de mettre des mots sur ce qui se passe. Cela permet de voir ce qui est supportable et ce qui ne l’est pas. Quand on ne sait pas, tout prend la même dimension d’insoutenable.
Chacun a son degré de souffrance, de ce qui est supportable et de ce qui ne l’est pas. Beaucoup de choses font partie d’un processus acceptable, non pas « normal », mais naturel. Pour autant, il ne faut pas oublier qu’il y a aussi des ménopauses qui sont pathologiques ou engendrent des pathologies.
Certaines personnes subissent une ménopause induite par des traitements, ou précoce.
Oui, et c’est important, ce que vous [Ménoscope] faites, pour informer. En réalité, on ne devrait pas parler de LA ménopause, mais des ménopauses chez telle ou telle personne. Dans certaines lignées de femmes, la ménopause arrive à 40 ans, ou même plus jeune. Ce n’est pas une maladie mais on ne va pas aborder les choses de la même façon, parce que l’impact psychologique n’est pas du tout le même.
Il faut aussi se demander ce que la ménopause vient réveiller chez les personnes, qui peut augmenter des symptômes et les rendre insupportables.
Quand une jeune fille a ses règles pour la première fois, on lui dit « tu deviens une femme ». Forcément, en creux, on entend que lorsque les règles s’arrêtent, on cesse d’être une femme.
C’est très juste. Et se dire, dans sa tête, « Je ne suis plus une femme », cela crée des souffrances, des gênes associées à ce processus, des bouffées de chaleur, une irritabilité un peu plus marquée…
Dans la même idée, à partir du moment où on a ses règles, on est en mesure d’avoir des relations sexuelles. À la ménopause, les femmes perdraient donc l’accès à la sexualité ?
Dans l’Histoire, le fait de ne pas avoir d’enfants était réservé aux femmes de joie. Les femmes n’étaient considérées que lorsqu’elles avaient des enfants. Cela aussi entre dans l’inconscient collectif lorsqu’une femme perd la capacité de procréer.
Je crois que nombre des pudeurs responsables du tabou de la ménopause viennent probablement de la sexualité. Tant qu’on parle de la reproduction, cela reste scientifique et acceptable, mais si l’on commence à évoquer le désir et le plaisir… rien ne va plus.
« J’avais prévu de parler du désir, qui est assez tabou »
Il y a une vingtaine d’années, mes enfants étaient au collège et j’avais été sollicitée pour venir parler de la sexualité aux adolescents. J’étais enthousiaste, c’est vraiment la période où il est important d’en parler. On m’a demandé de donner la trame générale de mon intervention. J’avais prévu de parler du désir, du plaisir, puisque ma partie, c’était la psychologie de la sexualité. L’acte en lui-même, je laissais ça à d’autres. Ma partie, c’était de sensibiliser les adolescents à leur propre désir, à ce que cela peut provoquer dans leur corps, de l’agressivité que ça peut engendrer. Je voulais parler de ce désir qui est assez tabou, et du plaisir. On m’a dit « Madame De Moura, ça ne va pas être possible ! On ne peut pas parler de ces choses-là à des jeunes… » Comme je ne voyais pas l’intérêt de faire une leçon d’anatomie, le projet a tourné court.
Et ça, c’est grave. Parce que ces jeunes vont chercher l’information sur Internet, sur les réseaux sociaux où ils trouveront des choses souvent très violentes, pas toujours adaptées…
De la sexualité à la ménopause
J’ai beaucoup travaillé avec des personnes âgées, et je peux témoigner que la sexualité est présente pendant très longtemps ! Toutes les idées reçues sont fausses : la sexualité du troisième et du quatrième âge existe bel et bien, ce n’est pas dégoûtant. Une femme ménopausée reste une femme avec du désir sexuel. C’est parfois même le meilleur moment de la femme parce qu’elle s’est libérée de carcans… J’entends souvent des personnes qui ont fait ce chemin me dire « On s’éclate ! » Beaucoup de femmes rapportent que quand elles n’ont plus leurs règles, elles sont en quelque sorte libérées de la gêne liée à la sexualité.
J’ai eu de nombreux couples de 70, 75 ans qui venaient me consulter pour des problèmes sexuels. L’homme disant « Mais moi je la désire, ma femme ! »
Ils revivent leur sexualité. Il faut le dire, ça aussi.
C’est ce que nous faisons ici !
« Prendre sa ménopause en main »
C’est à chacun et chacune de se responsabiliser, de reprendre son corps et ses symptômes en main. On est responsable de sa santé. Les médecins sont là pour nous aider quand ça dysfonctionne. Mais c’est ensemble qu’on peut faire des miracles. Si l’on attend de l’autre, du médecin, qu’il fasse pour nous des miracles, on peut toujours attendre !
Combien de femmes arrivent dans mon cabinet, désespérées de leur ménopause, parce qu’elles sont culpabilisées… On leur dit : « Ne faites pas ceci, ni cela », « C’est de votre faute, vous mangez trop, pas assez… » Alors qu’il faudrait les laisser expérimenter leurs douleurs, leurs sautes d’humeur, et voir comment les réguler autrement. Par la méditation, par des choses douces. Je préconise de commencer par la douceur. Après seulement, si tout ça ne fonctionne pas, là peuvent intervenir les traitements.
Mon expérience de femme
Pour avoir traversé la ménopause, je dirais que le regard qu’on porte dessus peut amplifier ou atténuer les symptômes. J’ai traversé ces bouffées de chaleur très inconfortables, ces rougeurs, c’est impressionnant. J’avais mon petit éventail… Je crois qu’en les accueillant comme un phénomène naturel, on peut réduire l’importance qu’elles prennent.
Et bien sûr en utilisant les outils qui sont à notre portée, comme la méditation ou le yoga. On en parle de plus en plus, ce n’est plus une vue de l’esprit de petits groupes illuminés. La science et l’imagerie médicale ont montré que l’hypnose provoque quelque chose au niveau cérébral qui permet de déjouer la douleur.
Aujourd’hui, il y a même des guérisseurs coupeurs de feu qui commencent à travailler dans des centres de grands brûlés.
Il faut avoir l’humilité d’admettre que des choses qu’on ne comprend pas peuvent être bénéfiques.
Si une personne est complètement ancrée dans le rationnel, aller voir un guérisseur ne l’aidera pas.
Il y a des personnes qui choisissent – inconsciemment, bien sûr – de continuer à aller mal, parce qu’elles ont peur de ce qui arriverait si elles allaient bien. Il faut aussi accompagner ce comportement.
À toutes ces personnes, je dis : « Continuez ce qui vous semble être bon pour vous au moment où vous le traversez. » Je propose. Il existe des tas de choses bien connues aujourd’hui : le yoga, la méditation, le simple fait de réapprendre à respirer. Prendre conscience que l’on respire et qu’on est vivant. Mais il faut respecter la décision des personnes qui ne demandent rien.
On connaît désormais le bénéfice de la méditation, qui amène un état de conscience modifié. L’autohypnose est utilisée pour soulager les douleurs intenses, pour traverser des moments qui sont inconfortables, ou même traumatisants pour certaines femmes, certains couples.
« Avant de pouvoir aller bien, il faut pouvoir aller mal »
Quand j’étais jeune psychologue, je voulais que les gens aillent mieux, tout de suite… mais ça ne marche pas comme ça ! En fait, beaucoup de personnes ont été soulagées d’entendre qu’elles avaient le droit d’aller mal. Avant de pouvoir aller bien, il faut pouvoir aller mal. Si une femme ressent de la déprime, parce que les hormones qui vont dans tous les sens, c’est une révolution, ça bouscule tout à l’intérieur, il est important qu’elle s’y autorise. Cela fait partie du processus, ces émotions sont normales, il faut leur faire un peu de place. On ne peut pas y échapper, on ne peut pas traverser une révolution du corps, naturelle, en étant complètement zen. Il faut prendre le temps de voir ce qui est acceptable, dans ces bouffées de chaleur, ces sautes d’humeur, et ce qui ne l’est plus.
Et là, il faut regarder ce qui est insupportable, peut-être que c’est la peur ! La peur de ne plus être une femme, de ne plus avoir de rapports sexuels, de ce qu’on va devenir si on perd son rôle de femme… ça demande d’aller vérifier avec la personne, ce qui la fait souffrir réellement.
Vous avez envie de vous essayer à la méditation ? Testez notre Méditation de la montagne.
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